Étrange Festival 2013 : film de clôture.
Vincenzo Natali explore les genres sans véritable ligne directrice et s’attaque cette fois au genre ultra balisé du film de maison hantée. Comme souvent chez lui, le film tourne autour d’un high concept franchement intéressant mais cette fois il finit par tourner légèrement à vide. Le résultat est un film de maison hantée en mode miroir, qui aurait eu de la gueule en tant qu’épisode de La Quatrième dimension mais aboutit sur un film plutôt mineur. Une déception de la part de cet auteur si fascinant.
Qu’il s’agisse des formidables Cube et Splice, ou des non moins intéressants Nothing et Cypher, Vincenzo Natali s’est donné pour mot d’ordre d’élaborer des films-concepts aussi farfelus que solides, avec assez souvent un propos anxiogène hérité d’une évidente fascination pour Kafka. Haunter est bâti ainsi. En dévoilant dans son premier acte le concept de son film, assez proche dans l’idée des Autres d’Alejandro Amenábar, film d’une élégance toute autre, il décide de prendre le système à contrepied pour éviter de tomber dans l’éternel cliché narratif du “Mais en fait, ils sont…”. L’idée est excellente et le pari risqué, mais il s’en sort admirablement. Pendant un temps. Le temps de proposer une variation autour du concept d’Un Jour sans fin façon horrifique, même si l’effroi n’est pas vraiment au rendez-vous d’un film qui mise absolument tout sur son ambiance surréaliste. Et ce malgré une poignée de jump scares de rigueur, tout à fait inoffensifs.
Quand il évolue dans ce canevas narratif fait de répétitions, ou de bégaiements pour paraphraser un des personnages, Haunter est assez ludique pour emporter l’adhésion, même si on se situe loin du génie qu’a su déployer Vincenzo Natali par le passé. Il se passe quelque chose de passionnant, comme dans un bon épisode de La Quatrième dimension en version longue. Le réalisateur y montre à nouveau une obsession pour les univers kafkaiens qui faisaient la beauté de Cube et Nothing, avec des personnages enfermés aussi bien physiquement que mentalement, dans un décor unique au milieu d’un vide infini traduit ici sous la forme d’un épais brouillard. Sauf que tout ceci est bien beau mais cela ne peut pas vraiment tenir en haleine sur 1h40 et il faut bien raconter une histoire. C’est là que démarrent les problèmes et que Haunter adopte une structure bien plus classique de film de maison hantée, tout en l’abordant selon un point de vue en miroir par rapport au genre. Ainsi, tous les motifs classiques sont vus sous un nouveau jour (miroir, planche de ouija, portes qui claquent et murmures) mais restent tout de même dans le cadre du déjà vu des millions de fois. Cela suffirait presque, mais Vincenzo Natali a en tête de complexifier au maximum son intrigue jusqu’à l’écœurement, multipliant les rebondissements, les passages d’un monde à l’autre, passe du film de fantômes au film de serial killer en faisant un détour par le film de possession, jusqu’à aboutir sur quelque chose de passablement indigeste qui, pour couronner le tout, ne va nulle part. Entre les mondes parallèles, Vincenzo Natali s’égare et n’exploite que trop peu son postulat de départ si stimulant, préférant illustrer par le genre le parcours émotionnel d’une adolescente en plein éveil face à une famille qui refuse d’accepter la réalité.
En plus de n’être pas très finaude, la métaphore n’apporte strictement rien de neuf, et pire, se trouve noyé dans la succession de carrefours narratifs cherchant à égarer le spectateur sans la moindre justification. Sans dévoiler le déroulement de l’intrigue, il est parfois bien difficile de saisir le pourquoi du comment de certaines situations n’en appelant à aucun logique. Lisa se retrouve capable de faire des choses à des instants très imprécis, et cela provoque l’étrange sensation d’un récit dont l’écriture a quelque peu été expédiée sans relecture. Dommage, car derrière le micmac narratif se cache un film au visuel très élégant, aussi bien dans sa photographie aux partis-pris extrêmes que dans sa sa mise en scène inspirée et bourrée d’idées. Une élégance légèrement mise à mal par quelques plans extérieurs en CGI d’un autre temps. De la même façon, Abigail Breslin assure pour porter en elle tous les enjeux dramatiques du film et montre qu’elle est capable d’incarner un rôle principal, même si elle se retrouve écrasée par le toujours aussi impressionnant Stephen McHattie dans une partition de dingue qui lui convient à merveille. Vainement tortueux, gavé de sous-intrigues jusqu’à l’excès, handicapé par de terribles fautes de rythme, mais paradoxalement très beau, parcouru de vraies fulgurances et élaboré autour d’un concept plutôt excitant, Haunter est bien la première important faute de parcours de Vincenzo Natali, dont il va falloir attendre l’adaptation du Neuromancer de William Gibson pour vérifier qu’il ne s’agit que d’une bénigne sortie de route.